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L'atelier du 27/03 de Claudine

Publié le par Marie-Christine Gyres

L'atelier du 27/03 de Claudine

C'était une paire de bottes, aubergine en caoutchouc, avec une épaisse semelle jaune organisée en petits carreaux, certainement pour faire glisser l'eau. Je les ai conservées, bien à l'abri dans le tunnel, mais je dois commencer par le commencement.

Je m'appelle Gamma, comme les rayons, c'est mon maître, Bosch, qui m'a donné ce nom. Il m'a recueilli tout chiot et je l'ai tendrement aimé, jusqu'à que le Docteur Bleu le fasse interner, car il avait des hallucinations. C'est la faute à la guerre, le Vietnam. Un matin les flics l'ont pris et je ne l'ai jamais revu. C'est Georges qui m'a adopté, je suis devenu Vasco, son chien. Georges, c'est un ami, je le sers fidèlement, mais je n'ai qu'un maître c'est Bosch. Il m'a tout appris, surtout à creuser, c'est grâce à lui, que j'ai commencer ma mutation. Je suis devenu plus qu'un chien mais moins qu'un homme, avec Georges cela s'est accéléré. Georges, c'est un brave gars, un pêcheur, depuis sa retraite il aime taquiner le goujon. Je l'accompagne, je le protège. Mais, il y a sa femme, Martine, une garce, qui lui fait la vie dure et qui ne m'aime pas. Georges, chaque jour, part sur sa mobylette, je le suis en aboyant. Nous traversons la campagne, jusqu'au chemin terreux, rouge, que nous affectionnons tant et au bout duquel se trouve sa barque. Puis, il y a notre île, enfin mon île, celle de Bosch, là où nous avons creusé un tunnel comme au Vietnam, pour se cacher, pour rechercher les ennemis, un tunnel, en fin, bien étroit, bien noir.

Dans l'île, loin de tout, Georges peut un peu souffler et oublier sa Martine, et tous ses stages et toutes les bêtisses qu'elle invente pour lui pourrir la vie. Parfois, Georges me parlait, il me disait comme il regrettait de mal se comporter envers moi, comme il regrettait le temps, où lui et sa femme partageaient quelque chose, le temps où il l'aimait. Peut être même qu'elle le trompait avec un autre homme et que tous ces stages n'étaient que des prétextes pour aller voir ailleurs. Chez, nous les bêtes, cela n'arrive pas, nos femmelles sont des camarades, il y a pas de chichis. Mais cette Martine, tout en fausseté et en méchanceté, c'est à cause d'elle qu'il est mort. Elle lui a usé le coeur. Lorsqu'il est tombé sans vie, j'ai pris ses bottes et je les ai cachées dans le tunnel. Je suis resté dans l'île, de loin, j'ai vu les flics qui l'embarquait.

Mais, moi, le plus que chien, je n'ai rien oublié, je n'ai rien pardonné. On m'a enlevé mon maître, puis mon ami, il ne me reste plus rien que la haine. Je m'entraîne dans le tunnel, je me muscle, je durcis ma mâchoire, j’affûte mes crocs, j'affine mes griffes. Bientôt, viendra mon heure, Martine, prépare-toi, j'en ai fait le serment à la paire de bottes.

Claudine Boussaha

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